Edgar Morin, président de la 46e édition du Livre sur la Place
Né en 1921, l’enfant du XXème siècle aura sans cesse nourri son savoir et sa pensée des épreuves qui traverseront sa vie. De parents juifs séfarades, orphelin de mère à dix ans, il prépare pendant la Guerre d’Espagne des colis à l’attention des Républicains et, pendant l’Occupation, s’engage dans la Résistance – c’est lors de cette période qu’Edgar Nahoum adoptera et gardera le pseudonyme de « Morin ».
Citoyen du monde, humaniste convaincu, au carrefour des savoirs, il a construit une œuvre où dialoguent des réflexions sur l’éthique, la connaissance, le langage, la beauté et la sagesse. Edgar Morin, c’est une existence sous le signe de l’engagement et du questionnement, avec toujours comme perspective de construire un monde meilleur et un altruisme affirmé avec puissance.
Edgar Morin publie le 5 juin 2024 L’année a perdu son printemps aux éditions Denoël, roman autobiographique inédit, écrit en 1946, qui éclaire la construction psychique, intellectuelle et politique de l’un des plus grands penseurs de notre temps.
"Adolescent orphelin, j'ai voulu m'évader de la vie dans l'imaginaire des romans et c'est à travers cet imaginaire que j'ai découvert la vie. Je découvris des enfants malheureux comme moi, le Rémi de Sans Famille, le Jack d'Alphonse Daudet. Je découvrais le scepticisme avec Montaigne et Anatole France aujourd'hui bien oublié. Je découvrais surtout les complexités, les abymes, les horreurs, les sublimités de l'âme humaine chez Tolstoï et surtout Dostoïevski. Je découvrais avec Balzac ce que sont les relations humaines et ce qu'est la société.
Plus que tout, le roman m'a éduqué sur la vie avant même que je vive vraiment, enseignement dont sont totalement dépourvus l'école et le lycée, où j'ai vécu concrètement les vertus de la camaraderie, déjà livresquement connues entre Achille et Patrocle, Oreste et Pylade, puis plus près Jerphanion et Jallez des Hommes de bonne volonté de Jules Romain.
J'ai appris la guerre, sa bêtise et son horreur en lisant Au-dessus de la Mêlée de Romain Rolland et le Feu de Barbusse. J'ai appris l'enthousiasme et le besoin de réaliser mes aspirations en lisant Jean-Christophe de Romain Rolland. Depuis les profondeurs subjectives de l'âme humaine jusqu'aux réalités objectives de la vie sociale, c'est le roman, non les traités de psychologie ou sociologie, qui m'a éclairé, illuminé et aussi plongé dans l'obscurité de notre destin. Aujourd’hui déferlent films, dont beaucoup admirables, séries, vidéos, images, mais rien ne remplace le roman."
EDGAR MORIN
Président de la 46e édition
du Livre sur la Place